SARAH REY
5 mars 2020
Présentation du livre Les larmes de Rome. Le pouvoir de pleurer dans l’Antiquité, éditions Anamosa
Des chevaux pleurent sur les rives du Rubicon. Ils errent le long du fleuve. Le meurtre de César est annoncé. Ce prodige rapporté par Suétone le suggère : les larmes coulent en abondance chez les Romains. Elles sont même un adjuvant incontournable du politique, l’arme privilégiée des orateurs et le moyen de se distinguer du vulgaire. Les empereurs, le peuple, les sénateurs, les soldats pleurent. Débats publics, procès ou ambassades, tout est prétexte aux déversements d’émotions. Souvent dépeints en guerriers impitoyables, les Romains sont trop rarement montrés dans leurs moments de fragilité ou d’égarement. Ils construisent des routes, des ponts et des villes, bâtissent un empire, mais ne s’abaissent pas à pleurer, pense-t-on. Leur mauvaise réputation de rudesse a jusque-là découragé toute enquête générale sur leurs larmes, là où les lamentations des héros grecs ont déjà fait couler beaucoup d’encre.
Dans cette histoire inversée de la force romaine, il faut accepter de ne pas s’y reconnaître, de perdre pied. Le parcours que propose ce livre est ainsi celui d’un paradoxe : saisir l’étrangeté de ces larmes d’hier si semblables aux nôtres, c’est aussi comprendre qu’elles n’ont rien de celles d’aujourd’hui.
Sarah Rey est maître de conférences en histoire ancienne à l’université de Valenciennes. Plusieurs de ses travaux sont consacrés à l’historiographie, ancienne et moderne. Elle s’intéresse aussi à l’histoire sociale et religieuse de la Rome antique.